Apnées du sommeil : les nuits à bout de souffle

Fatigue, maux de tête, somnolence… Ces symptômes sont caractéristiques des apnées du sommeil. Un trouble respiratoire nocturne qui perturbe le sommeil et dont il est difficile de se rendre compte.

Photo : Constance Georgé

Le jour, les apnées sont volontaires. Pas la nuit. “Pendant que je dormais, un ami s’est aperçu que je ne respirais plus. Et ça se répétait”, raconte Magali Guyon. “Il a tenté de faire la même chose et a trouvé ça long, environ 20 secondes”. Cette infirmière de 45 ans souffre alors d’apnées du sommeil. Un syndrome méconnu, difficile à diagnostiquer, mais qui touche près de 4 % des hommes et 2 % des femmes en France selon le Centre d’investigation de la recherche sur le sommeil. Pourtant, les risques qu’il implique sont multiples et peuvent être graves : AVC, maladies cardiovasculaires, cancers…

Un mal qui frappe en silence

“C’est un trouble respiratoire qui survient uniquement par un obstacle sur les voies aériennes supérieures”, explique Hervé Solatges, médecin spécialiste du sommeil. “Le conduit par lequel l’air passe est réduit de façon naturelle et chez certaines personnes, il l’est tellement que les voies se touchent et ça crée une pause. C’est une apnée.” Tout cela se déroule sans que la personne touchée par ce syndrome ne s’en rende compte. C’est grâce à un mécanisme spécifique du corps humain que l’apnée prend fin. “Il y a des récepteurs qui détectent que les gaz du sang sont en train de changer en raison du manque d’oxygène. Ils vont alors créer un micro-éveil pour permettre au patient de respirer à nouveau”, indique le médecin.

Le surpoids est également un facteur prépondérant dans l’apparition des apnées du sommeil. La graisse stockée dans cette partie du corps favorise l’obstruction des voies aériennes. “Mais il existe plusieurs petites malformations qui les favorisent”, assure Hervé Solatges. Comme la taille des amygdales, de la langue ou encore une mâchoire inférieure légèrement reculée. C’est ce dernier facteur, nommé rétrognathie, qui est responsable, chez Magali Guyon, d’apnées sévères. Un diagnostic précis correspondant à plus de 20 apnées par heure en moyenne dans une nuit.

La fatigue, principal symptôme

“Après que mon ami a remarqué que je faisais des apnées, j’ai consulté mon médecin et suis allé faire une polysomnographique à l’hôpital pendant une nuit”, raconte l’infirmière de 45 ans. Un examen tant respiratoire que neurologique qui permet d’analyser sous toutes les coutures, la nuit du patient, grâce à de nombreux capteurs. Selon Hervé Solatges, “le témoignage d’une autre personne ne suffit pas toujours. Ce n’est pas parce qu’on fait une apnée qu’on a une maladie apnéique”. Un diagnostic difficile à établir sans examen médical tant les symptômes peuvent paraître communs et confondus à d’autres phénomènes. “La fatigue et la somnolence sont les résultantes principales”, indique le médecin spécialiste du sommeil.“Il y a aussi des maux de tête au réveil, des sueurs nocturnes, le besoin d’aller uriner trop souvent. Et un retentissement sur l’anxiété, la dépression ou des troubles de libido”.

Pour Magali Guyon, tout a pris sens après un diagnostic médical. “J’avais une grosse fatigue. Je dormais tout le temps”, confie-t-elle. “La journée, il suffisait que je m’allonge pour que je m’endorme deux ou trois heures. Le soir, je me couchais très tôt.” Une fatigue qui existait depuis déjà plusieurs mois, mais qui lui paraissait un temps anodine. “Cela faisait au moins un an et demi que je ressentais cette fatigue. Au début, on supporte, on ne se rend pas compte. Je me suis dit que c’était lié à ma vie parisienne”, poursuit-elle. “Quand je suis allé vivre sur le bassin d’Arcachon, je me suis rendu compte que je dormais encore énormément alors que je sortais moins”.

“Être reliée à une machine jusqu’à la fin de sa vie, c’est difficile à accepter”

Mais cette fatigue a aujourd’hui totalement disparu. Après avoir été diagnostiquée, Magali Guyon s’est vue prescrire une machine à pression positive continue (PCC). “C’est un appareil qui souffle de l’air avec une pression très faible via un masque et qui empêche les parois de se toucher”, explique Hervé Solatges, le spécialiste du sommeil. “C’est très efficace, relativement bien toléré, bien que ça paraisse encombrant.” Une lourde intervention chirurgicale a été proposée à cette infirmière, mais avec des risques de modifications du visage.

Alors que cette machine et ce masque pourraient paraître comme une gêne pour trouver le sommeil, pour Magali Guyon, c’est l’impact psychologique qui a créé un problème. “J’ai mis 2 ans à l’accepter”, assure-t-elle. “C’est une perte de liberté. C’est oppressant, comme un fil à la pâte. J’avais l’impression que je n’allais plus être autonome quand j’ai vraiment compris que j’allais devoir utiliser cette aide tous les jours. Être reliée à une machine jusqu’à la fin de sa vie, c’est difficile à accepter”, regrette l’infirmière. “J’y suis allé petit à petit. Il faut être doux avec soi”, assure Magali Guyon. “Et au bout d’un an, j’ai dit à ma pneumologue que je m’accordais encore un jour par semaine sans la machine. Elle m’a engueulé et m’a dit que je prenais des risques pour ma santé si je ne la mettais pas toutes les nuits. Alors au bout de 2 ans, je l’ai mise tous les jours. J’ai accepté”. 

Aujourd’hui les bénéfices sont réels. “Je n’arrive plus à faire de grosses siestes” ironise cette infirmière. Mais le syndrome des apnées du sommeil est encore très loin d’être pris en charge. En effet, selon l’Inserm, près d’un milliard de personnes ont des apnées du sommeil dans le monde, et seulement 20% d’entre elles ont été diagnostiquées.

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