« La nuit, je soigne vraiment » : Dominique, infirmière à l’hôpital Saint-Joseph à Paris

Au cœur de la nuit à l’hôpital Saint-Joseph (Paris 14), les infirmières et aides-soignantes se démènent pour la tranquillité du sommeil de leurs patients. Invisibilisées par leurs horaires atypiques, leur rôle n’en demeure pas moins essentiel.

Dominique veille sur une patiente dans sa chambre. Photo : Constance Georgé

Bientôt minuit, Dominique, infirmière de nuit, passe doucement sa tête dans l’entrebâillement de la chambre 704 du service d’onco-pneumologie de l’hôpital Saint-Joseph (Paris 13e). Elle vérifie que sa patiente est bien endormie. « C’est une dame que l’on connaît bien, elle a de fortes douleurs dues au traitement alors elle s’endort difficilement, la pauvre », chuchote la soignante dans le couloir en préparant la poche de liquide translucide. Cette nuit, le service est calme. Tous les lits sont occupés. « Quand on n’a plus de place, c’est plus paisible car les urgences ne nous envoient personne », explique-t-elle. 

Depuis vingt ans, Dominique enchaîne des nuits de 20 h -7 h 30 au moins trois fois par semaine. Et malgré la fatigue, la difficulté du métier et le manque d’effectif, elle préfère conserver ses horaires exigeants. « La journée je me sens plus secrétaire qu’infirmière. La nuit, je soigne vraiment », confie-t-elle. La journée est rythmée par les allées et venues, les examens et les appels incessants. À l’inverse, l’équipe nocturne fonctionne en huis clos, ce qui renforce l’entraide et la bienveillance entre les soignantes : «  Je préfère la nuit parce qu’il y a moins de ragots que le jour », plaisante Marie-Raissa, aide-soignante depuis quinze ans.

En plus de son travail de soin, Dominique a aussi des tâches administratives à réaliser. Photo : Constance Georgé

L’hôpital la nuit, un autre monde

Dominique a quinze personnes à prendre en charge. Elle porte une grande attention au bien-être et au confort des patients. « La nuit réveille les angoisses et les peurs de nos malades », raconte l’infirmière. C’est le cas d’une jeune femme atteinte d’un cancer qui s’inquiète à propos de son examen du lendemain : une endoscopie. Les médecins feront passer un tube muni d’une caméra à travers son système digestif sans anesthésie générale. Dominique n’enrobe pas la réalité mais la rassure : « Je ne peux pas dire que ce soit douloureux mais ce n’est pas agréable. Mais ne vous inquiétez pas, je vous apporterai une prémédication demain matin. »  

Une prise de sang via une “chambre implantable” réalisée au petit matin. Photo : Constance Georgé

Les lumières crues, les sons stridents, les petits panneaux lumineux rouges, les bips-bips des sonnettes et des machines n’empêchent pas l’équipe de nuit de créer une atmosphère douce et feutrée. Infirmières et aide-soignantes remontent les draps sur les patients endormis, éteignent les lumières inutiles, quitte à faire les piqûres du bout des doigts dans la pénombre. Tout au long de la nuit, elles rassurent ceux qui ne dorment pas et préservent la nuit des somnolents…

Dans chaque couloir, des panneaux numériques affichent l’heure. Photo : Constance Georgé

Humaniser la nuit

Passé 2 h du matin, juste après le dîner, l’équipe commence à lutter contre la fatigue. Certaines praticiennes regardent des séries sur leur téléphone, descendent fumer une cigarette et d’autres ferment les yeux quelques secondes. Mais au moindre bruit, elles enfilent leurs chaussures crocs en vitesse pour partir à la recherche du problème. Un tuyau d’oxygène débranché, une machine déréglée… Tout peut devenir une urgence. L’hyper-vigilance règne. Sous le calme apparent, l’activité ne s’arrête jamais totalement.

Florence profite d’une accalmie pour prendre sa pause. Photo : Constance Georgé

Non seulement les filles humanisent la nuit mais elles anticipent également le jour. Vers 6 h 30, elles s’affairent dans le poste de soin. Elles trient et préparent les médicaments et les injections des patients. Quand elles ont le temps, elles préparent aussi le café pour leurs collègues du jour qui arrivent à 7 h. 

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