Les nocturnes de l’hippodrome de Vincennes à Paris reprennent dès le mardi 4 avril prochain après une courte pause d’un mois. Une occasion pour les spectateurs de venir encourager les jockeys et les chevaux, qui affectionnent particulièrement l’exercice.
L’impatience règne. Après une courte pause de deux mois, l’Hippodrome de Vincennes à Paris (12e), connu comme le « Temple du Trot », va rallumer ses lumières chaque mardi et vendredi dès le mois d’avril pour replonger dans les courses nocturnes. Du côté des jockeys et des professionnels, ces courses sont un moyen de changer des habitudes. Pour les passionnés et les turfistes, le retour des courses nocturnes est une belle occasion de se réunir dans une ambiance festive.
“L’ambiance n’est pas la même le soir”
De par ses missions, Lucie, lad dans une écurie d’entraînement de trot. (ndlr. une personne chargée de s’occuper et soigner les chevaux de course). connaît par cœur le comportement des chevaux, notamment lors des courses de nuit. « Un jeune cheval, par exemple, ne va pas comprendre au début qu’il doit manger dès qu’on lui donne ses grains, raconte-t-elle. Nos chevaux d’expérience, eux, connaissent le fonctionnement et les horaires nocturnes à Vincennes. Quand on sort le camion dans la cour de l’écurie vers 15h, ils sentent tout de suite qu’on prépare une nocturne. Ils savent très bien qu’ils vont manger plus tôt que d’habitude.»
D’autres habitudes changent : “ Le matin, dès 6h, on les sort, puis dans l’après-midi, on peut voir que certains font la sieste pour prendre des forces en prévision du soir, continue Lucie. Quand un cheval court la dernière course, parfois vers 23h, il ne sera rentré au centre d’entrainement que vers minuit voir plus tard. Et nous, on est au lit au plus tôt à 00h30…”. Les séances de nuit peuvent paraître interminables : « Il faut se dire qu’on est au travail dès 6h du matin, on dort un peu l’après-midi, puis couché vers minuit. Seulement, le lendemain, je dois nourrir mes chevaux à 6h de nouveau. C’est un rythme soutenu, mais nous sommes des passionnés. »
Pour les jockeys et les drivers, le retour des nocturnes est un beau moyen de changer des courses en journée. “L’ambiance générale n’est pas la même, le soir c’est un peu comme les jours de Grand Prix. Avec les grandes lumières, ça donne d’autant plus la sensation d’entrer sur scène”, décrit Steve, driver de trot.
Car sur l’hippodrome de Vincennes, les courses de nuit sont souvent synonyme de soirée à thème. Le vendredi soir notamment, c’est un moment à forte affluence : turfistes, familles ou simplement curieux des courses viennent profiter du spectacle après le travail. On y boit des coups entre amis, on parie sur le favori ou « l’outsider » parce que qu’on a entendu des bruits de couloir qui disent que ce soir « c’est son soir ! ».
« Ce qui me plait pendant les nocturnes, c’est de courir sous les encouragements des turfistes, précise le driver. La journée, ils sont moins présents, alors le soir ils viennent bien plus nombreux. On court par passion du cheval et du sport mais aussi pour ceux qui mettent leur argent sur nous. On a encore plus envie de donner le meilleur de nous-même quand c’est la fête et que les gens nous applaudissent. »
Une organisation millimétrée
À l’image d’une grande pièce de théâtre, il y a les comédiens mais aussi les petites mains de l’ombre : à Vincennes, ils ne courent pas sur la piste mais sont à pied d’œuvre dans les écuries d’accueil.
« Pas de pied, pas de cheval. » veut l’adage bien connu de tous les cavaliers. Toute l’année, d’un box à l’autre, Franck, maréchal-ferrant spécialisé en cheval de course, ferre ou déferre les chevaux les uns après les autres. Mais en soirée, sa mission se complique: “A Vincennes, c’est assez speed. Déjà, on a des moments hyper calmes, puis 20 minutes avant la course, je vois débarquer tous les jockeys paniqués qui me demandent de déferrer leur cheval. C’est là que je dois enchaîner 7 ou 8 équidés le plus rapidement possible. Je dirais que je ne passe pas plus de 2 ou 3 minutes, montre en main, par cheval. »
Et d’ajouter : “et on recommence ça toutes les 20 minutes jusqu’au départ de la dernière course. Autant vous dire que c’est aussi du sport ! » dit fièrement le chausseur de chevaux, qui dit s’occuper de 28 chevaux en moyenne par soir. Mon métier est déjà très physique, alors quand on arrive à 50 ans et qu’en plus on ne dort qu’entre minuit et 6h du matin…le lendemain matin d’une nocturne, mes clients me voient arriver parfois pas très réveillé. » s’amuse-t-il.
390 projecteurs
Mais les nocturnes ne pourraient prendre vie sans le savoir-faire du régisseur de l’hippodrome. Après avoir travaillé sur l’hippodrome de Lyon-la-Soie, Julius œuvre chaque jour au bon fonctionnement de celui de Vincennes. Pendant les nocturnes, c’est lui qui règne sur l’éclairage. « On allume en fonction du coucher du soleil, explique-t-il. La particularité de Vincennes c’est le récent changement des éclairages. On a inauguré en octobre 2021 les 390 projecteurs leds, 50% moins coûteux et moins énergivores que l’ancien modèle. Tout a été conçu avec le groupe Signify, leader mondial de l’éclairage. ».
« On a dû répondre également aux exigences de la ville de Paris en terme environnemental. Notre éclairage led est aujourd’hui équipé de composants qui ne détériorent ou n’ont pas d’influence sur la biodiversité – le Bois de Vincennes. Nous n’avions pas le droit non plus de nous équiper de mât dépassant 25 mètres, les nôtres n’excèdent pas les 12 mètres. » détaille Julius.
Le plus important dans une course, c’est l’arrivée. Et pour départager deux concurrents qui semblent se disputer la première place, les juges utilisent la « photo-finish ». Alors, même quand il fait nuit, pas le droit à l’erreur ou à l’imprécision : « On allume en premier le mât du poteau d’arrivée pour dissiper tout doute possible. » stipule Julius.
Assister à une nocturne, c’est finalement comme plonger dans un monde parallèle, où chaque professionnel tient son rôle et où tous sont indispensables pour mettre, même la nuit, des étoiles dans les yeux des spectateurs.