Le bureau d’études DarkSkyLab développe des outils satellitaires et des cartes analytiques pour décrypter la pollution lumineuse. Un phénomène à l’impact négatif considérable sur la biodiversité.
“La lumière a un impact fort sur la dynamique des populations d’insectes et animales“, explique Jérémie Cornuau, écologue et collaborateur de DarkSkyLab. Créé en 2009 lors de l’année mondiale de l’astronomie, ce bureau d’études est spécialisé dans la production de données scientifiques et cartographiques qui servent à mesurer la pollution lumineuse et son impact sur le vivant. Cet épiphénomène lié aux besoins de l’activité humaine (éclairages publics, privés, bâtiments, industries…) bouleverse l’environnement naturel de l’humain. Le cœur de la nuit tend à disparaître. Et surtout, il anéantit la biodiversité : insectes, oiseaux, chauve-souris…
Des animaux impactés
“Les hiboux, les papillons de nuit, mais aussi les mammifères, les amphibiens… sont fortement touchés par la lumière artificielle“, poursuit-il. Ce spécialiste rappelle aussi que certains animaux n’ont pas de paupières, comme les serpents, à l’instar des insectes… Ces espèces, au sommeil troublé, connaissent alors des complications hormonales qui réduisent la fécondité et la survie des populations animales.
Pour d’autres espèces, la lumière est répulsive. Elles ne vont pas pouvoir accéder à des zones riches en proies ou bien ne vont plus se déplacer à cause des “cordons lumineux”. Finalement, “il y a une réduction également des échanges entre les différents écosystèmes“, précise Jérémie Cornuau. Selon Sébastien Vauclair, fondateur de DarkSkyLab, 15 % du territoire français est préservé de la pollution lumineuse. Les Pyrénées, les Alpes, les parcs nationaux, la Corse, les Cévennes, le cœur de l’Armorique, etc., “sont des territoires de ciel étoilé, c’est-à-dire des lieux peu habités où l’on accède à un dôme de qualité“, explique-t-il.
Un sujet méconnu
Astrophysicien de formation, Sébastien Vauclair s’intéresse à l’étude de la lumière depuis 30 ans. Il a cherché très tôt à sensibiliser sur le sujet en animant des activités grand public : des colonies de vacances, des “caravanes pédagogiques”, des nuits des étoiles, etc. “J’ai très vite identifié que les endroits sans étoiles visibles étaient des endroits fortement urbanisés“. Lui et les cinq salariés de DarkSkyLab accompagnent aujourd’hui les collectivités dans leur rénovation de l’éclairage public en fournissant diagnostics et études d’impact.
“Le sujet de la pollution lumineuse est un sujet fondamental, trop méconnu. C’est le principal facteur de la disparition de la biodiversité, après les néonicotinoïdes, l’artificialisation des sols…“, souligne le spécialiste. Il met également l’accent sur les insectes nocturnes et pollinisateurs qui disparaissent aussi à cause de la lumière artificielle. Pour lui, ce phénomène destructeur est encore plus saillant dans les “extrémités de nuit”, à savoir à l’aube et au crépuscule, là où les espèces animales et les insectes sont les plus actives.
Des aménagements nécessaires
DarkSkyLab a signé un contrat de 10 ans avec la ville de Paris pour aménager et rénover l’éclairage urbain afin qu’il soit en adéquation avec la biodiversité. “On fait des préconisations spécifiques sur les endroits où il faut réduire les niveaux d’éclairement, avec des lumières plus chaudes. On essaie également de définir des “trames noirs”, c’est-à-dire un tracé de voiries, de rues, de quartiers avec moins de lumières, notamment en bords de Seine.” Le sujet est très sérieux, d’autant plus qu’une récente étude de Science vient de conclure sur le fait que la pollution lumineuse à l’échelle mondiale s’est accrue depuis 10 ans.