Anxiété, culpabilité, peurs et questionnements existentiels… La nuit est pour beaucoup synonyme d’introspection. Qu’il soit effrayant ou stimulant, ce moment de vagabondage interne porte en lui beaucoup de réponses sur nous-même, comme l’explique la psychothérapeute Agnès Brison.

“Le jour est paresseux mais la nuit est active”, disait Paul Eluard. Pour beaucoup, elle est en effet un temps de réflexion. Elle est synonyme d’introspection, de laisser-aller aux questions qui nous taraudent, à l’imaginaire qui nous stimule, ou au contraire, nous terrorise.
Le lâcher-prise laisse place aux ruminations
Pour Agnès Brison, psychothérapeute parisienne, il faut savoir écouter, et surtout analyser ce monologue nocturne. ”L’esprit est plus libre de s’exprimer la nuit. Déjà, tous nos sens sont un peu en sommeil. Ensuite, au cours de la journée, on est très stimulés par nos activités, nos impératifs, nos interactions, qui laissent donc nos cogitations au second plan.” Et quand la nuit vient, alors, notre esprit peut vagabonder, loin de ces distractions diurnes. Et c’est un véritable abandon inconscient qui s’opère : ”le lâcher-prise au niveau du corps laisse place à l’esprit, et à ces ruminations, car nous avons un besoin naturel de combler ce vide laissé par l’activité dissipée du jour. C’est là qu’interviennent nos pensées qu’on a jusque-là laissées de côté”, détaille Agnès Brison.
Est-ce l’absence de lumière qui nous plonge dans cette intimité ? “Pas forcément, tempère la psychothérapeute. Ce même phénomène introspectif peut avoir lieu si on allume une lumière. Il s’agit plutôt ici d’une relation avec soi-même, qui prend enfin le temps d’exister au travers de ces émotions, et ces questionnements qui rejaillissent.”
La nuit, un espace de confession
Si la nuit vient stimuler notre imaginaire (voir l’article D’où vient la peur du noir ), elle vient aussi libérer notre parole. ”Que l’on converse avec quelqu’un ou avec soi-même, une intimité, une volonté de se confier plus librement se crée la nuit. Et si des questions particulières surgissent, ça n’est pas anodin”, explique la thérapeute.
Naturellement, nous ne sommes pas tous égaux dans notre niveau de conscience, ni dans notre capacité d’introspection. Et si certains n’en ressentent pas le besoin, d’autres peuvent redouter de laisser libre cours à leur réflexion.
“Il me semble que si des choses nous dérangent dans notre vie, elles ressurgissent, à la faveur d’un traumatisme ou d’un événement majeur. Toutes ces questions en suspens, qui sont souvent autour du sens de notre vie, de la justesse de ce qu’on vit, je pense qu’à un moment donné, on ne pourra plus éviter de les affronter.”
« Il faut savoir nous redonner notre dimension d’être humain »
Alors que faire lorsque nos parts d’ombres ou nos regrets rejaillissent ? Quand ce que l’on n’aime pas dans notre personnalité, nous saute au visage ? “Il faut trouver la force d’être bienveillant envers soi-même. Nous redonner notre dimension d’être humain, laisser de côté les exigences, les normes sociales et les attentes. Admettre que ce que l’on traverse est une chose compliquée, et demander de l’aide si l’on en ressent le besoin. » Ces ruminations peuvent prendre une telle ampleur qu’elles poussent parfois à l’insomnie, aussi les ignorer n’est pas la bonne solution. “Je conseillerai plutôt de regarder ce qui nous préoccupe pour trouver la paix plutôt que de le refouler de nuit en nuit, et se questionner sur la raison de notre mal-être. Si nos émotions se manifestent, c’est bien parce qu’elles essaient de nous dire quelque chose », poursuit Agnès Brison. Face à la peur, s’interroger sur ce qui provoque notre sentiment d’insécurité. Face à la honte, questionner notre rapport au regard de l’autre… Et si nous avons souvent tendance à penser que nous sommes seuls à nous interroger de la sorte, Agnès Brison affirme le contraire : « Ces ruminations de nuit sont en réalité un phénomène bien plus universel qu’on l’imagine », conclut la psychothérapeute.